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Accueil » Paroles d'experts » Thierry Weil, » Relocalisation, souveraineté, réindustrialisation, résilience : ne confondons pas tout ! «
Thierry Weil, Professeur au Centre d'économie industrielle (CERNA) de l’École des Mines de Paris, titulaire de la Chaire "Futurs de l'industrie et du travail - Formation, innovation, territoires" et membre de l'Académie des technologies, Caroline Mini, chercheure-associée et Sonia Bellit, cheffe de projet à La Fabrique de l'industrie, livrent leur analyse sur ces notions remises au cœur des débats par la Covid-19.
Le plan France Relance présenté début septembre par le gouvernement prévoit de consacrer un milliard d’euros aux relocalisations. On attend de celles-ci qu’elles renforcent notre souveraineté, créent des emplois, permettent de réindustrialiser le pays, le rendent plus résilient… Or, ces notions (souveraineté, réindustrialisation, résilience, relocalisation) recouvrent des sens assez différents.
Une publication récente de La Fabrique de l’industrie précise utilement ce qu’elles signifient, dans une perspective historique.
La souveraineté consiste à ne pas dépendre de la bienveillance d’autrui pour satisfaire certains besoins (énergie, alimentation, santé, maîtrise de nos données, etc.), de pouvoir agir en fonction de nos valeurs et de nos intérêts, sans être soumis à la volonté d’un autre État, voire d’une entreprise.
La fragmentation des chaînes de valeur peut créer un risque de souveraineté en cas de dépendance vis-à-vis d’une matière ou d’un composant critique.
La souveraineté s’apprécie dans un domaine, par rapport à un objectif, dans un périmètre géographique spécifiques. Elle ne suppose pas l’autarcie. Si les fournisseurs d’un composant introuvable en France sont répartis dans diverses zones géopolitiques et que certains d’entre eux ont besoin de produits français (ou de technologies, ou de services) ou de débouchés, nous pouvons avoir un niveau d’interdépendance raisonnable.
Si une production n’est pas ordinairement assurée en France, mais qu’en cas de besoin des usines du territoire peuvent la réaliser, même avec une productivité médiocre (équipement médical ou de protection, par exemple), un niveau
de stock raisonnable peut suffire à garantir notre indépendance.
La garantie de notre souveraineté repose donc, soit sur l’autonomie, soit sur la construction d’un rapport de force favorable, permettant de sécuriser nos approvisionnements.
Cela nécessite une certaine vigilance : lorsqu’au début de 1970, les producteurs de pétrole de l’OPEP ont décidé de s’entendre entre eux, ils ont pu quadrupler le prix du pétrole en 6 mois, puis le multiplier à nouveau par 2,7 entre 1978 et 1981.
Aujourd’hui, le lithium fait par exemple l’objet d’une forte demande, mais il existe de nombreux fournisseurs possibles, tandis que les fournisseurs de cobalt sont moins nombreux et que la Chine négocie avec eux des accords qui peuvent lui assurer une position de force sur cette matière première.
Une balance des paiements durablement déficitaire peut ainsi constituer une menace pour notre souveraineté dans la mesure où tout débiteur dépend de la bienveillance et de la patience de ses créanciers.
Si, du fait d’un déficit commercial, la balance est équilibrée grâce à l’achat d’entreprises françaises par des étrangers (investissements directs étrangers), nous conservons certes la capacité de production sur notre sol, mais perdons une partie de notre capacité de décision. La Grèce et l’Italie ont ainsi cédé à la Chine des infrastructures portuaires stratégiques (Le Pirée,Trieste).
Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons.
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