La crise sanitaire apparue début 2020 avec la pandémie de Covid 19 a agi comme un puissant levier de la transition numérique. A toute crise, son impact. En sera-t-il de même avec la crise ouverte avec l’invasion de l’Ukraine par la Russie depuis le 24 février dernier ? Entraînera-t-elle une accélération de la transition énergétique qu’impose dérèglement et réchauffement climatiques ? Rien n’est moins sûr. Dans l’immédiat, la crise en Ukraine devrait plutôt stimuler les politiques en faveur de la sobriété énergétique.

Transition énergétique : des objectifs de réduction des gaz à effet de serre mis à mal par l’impératif de souveraineté énergétique

A l’invasion de l’Ukraine par la Russie le 24 février dernier, l’Union européenne a répondu par l’adoption de plusieurs paquets de sanctions économiques et financières sans précédent à l’encontre de la Russie, visant à priver l’économie russe de l’une de ces principales sources de revenus que sont l’exportation de gaz et de pétrole. En se donnant pour objectif de réduire drastiquement ses approvisionnements en pétrole et en gaz en provenance de la Russie, ces sanctions ont pour autant révélé la grande dépendance – pour ne pas dire extrême pour certains pays de l’Union – au pétrole et plus encore au gaz russe.

Dépendance vis-à-vis de laquelle les énergies renouvelables ne peuvent actuellement répondre. Les retards pris dans le développement de ces énergies alternatives (solaire, éolien), notamment en France, est tel que, face au risque réel de ruptures d’approvisionnement en gaz russe cet hiver, les mesures d’urgence adoptées par nombre de gouvernement depuis quelques semaines vont à l’encontre des objectifs ambitieux de réduction des gaz à effet de serre : dans le cadre du Green Deal européen engagé depuis 2021, les Etats membres de l’Union européenne se sont engagés à réduire non plus de 40% mais de 55% d’ici à 2030 leur émissions de gaz à effet de serre par rapport aux niveaux de 1990 et d’atteindre la neutralité carbone d’ici à 2050.

L’annonce faite en juin dernier par l’Allemagne d’une plus grande exploitation des centrales à charbon ne va pas dans cette direction et contrevient à l’objectif d’abandon total du charbon d’ici à 2030 affiché par le gouvernement de coalition du Chancelier Scholz. Cette annonce a précédé d’un jour celle du gouvernement autrichien de réactivation de la centrale à charbon située à Mellach jusqu’à présent à l’arrêt, afin de pouvoir produire de l’électricité à partir du charbon si la situation l’imposait. L’Autriche est elle aussi confrontée à une diminution des livraisons de gaz russe dont elle dépend à 80%.

La France n’est pas en reste avec la loi portant mesures d’urgence pour le pouvoir d’achat adoptée début août au terme d’un débat parlementaire nourri. En réponse au risque d’un arrêt total des livraisons de gaz russe, menace qu’entretient la Russie avec la fermeture partielle du robinet du gazoduc NordStream 1, plusieurs mesures en faveur d’un recours accru aux énergies fossiles ont été intégrées au texte. La loi prévoit ainsi la possibilité de redémarrer la centrale à charbon de Saint-Avold en Lorraine, fermée depuis le mois de mars, si la situation l’imposait là encore l’hiver prochain. Elle permet par ailleurs de relever les plafonds d’émissions de gaz à effet de serre en cas de menace sur la sécurité d’approvisionnement en électricité, sous réserve toutefois de pouvoir compenser ses émissions. Afin de réduire la dépendance de la France au gaz russe, la loi permet par différentes mesures de simplification administrative d’accélérer la mise en service d’un terminal méthanier flottant dans le port du Havre à l’échéance de septembre 2023. Il n’est pas impossible que ce nouveau terminal ouvre la voie à l’importation de gaz de schiste américain, dont l’exploitation par technique de fracturation hydraulique est régulièrement dénoncée pour son impact sur l’environnement.