Les crises sanitaire, sociale et écologique que nous traversons depuis le début de cette décennie modifient profondément le rapport au travail, ainsi que le rapport à l’entreprise. Les enquêtes ne manquent pas pour pointer les tendances à la grande démission ou le « quiet quitting » (démission silencieuse), ou encore le désengagement relatif de collaborateurs à la recherche d’une plus grande flexibilité et d’un nouvel équilibre vie professionnelle – vie personnelle, et ce, quelles que soient les générations ou la position dans l’organisation.

Dans ce rapport à l’entreprise en mutation constante, comment dessiner le futur de la formation continue, afin d’en faire une clé de (ré)engagement des talents, cadres et dirigeants ? Impact, expérience et hybridation des parcours sont probablement les voies et moyens à privilégier aujourd’hui pour répondre aux attentes et exigences de cette typologie de salariés, pour qui la formation doit aussi répondre à leur quête de sens et à leur volonté d’accomplissement.

I3 = Immersion, Inspiration, Impact

Pour que la formation soit un facteur d’engagement des collaborateurs, encore faut-il qu’elle soit alignée sur les attentes que ces derniers expriment désormais vis-à-vis de leur entreprise, à savoir qu’elle leur permette de vivre une expérience, de porter des changements visibles au sein de leur organisation et de donner ainsi plus de sens à leur travail.

L’apport de connaissances théoriques à partir d’un état de l’art scientifique, s’il est indispensable pour des cadres et dirigeants ayant à prendre des décisions responsables, n’est pas uniquement ce que les entreprises et les participants attendent d’une formation. Vivre la formation et être confronté à d’autres situations, expérimenter sont des leitmotivs pour suivre une formation. Exit la routine, place à des activités stimulantes. L’expérience et le vécu de situations doivent être considérés comme des critères majeurs à intégrer dans le design d’une formation, pour inspirer et permettre aux participants de faire un pas de côté ou encore prendre une nécessaire hauteur de vue.

Au-delà de l’expérience, la formation doit délivrer un impact tangible, durable et visible sur les participants qui doivent revenir transformés, porteurs de nouvelles approches et d’une plus grande ouverture d’esprit.

Comment ces différents éléments peuvent-ils trouver place dans un parcours de formation ? Probablement dans l’identification d’un fil rouge dont l’objectif sera de maintenir les participants dans une tension d’apprentissage et favoriser un ancrage mémoriel des apports expérientiels et scientifiques plus durable dans le temps. Cette mise en tension sera d’autant plus importante que la formation sera proposée en discontinu (part time).

H2 = entre multimodalités…

L’accélération des technologies et usages numériques, amplifiée par la crise COVID-19, a indiscutablement entraîné une inflexion des modèles pédagogiques au bénéfice du digital learning.

Pour autant, la formation en présentiel est-elle définitivement condamnée ? A coup sûr non, car elle présente des avantages dont ne peuvent se prévaloir les formations en distanciel. En dépit de la qualité technique et des fonctionnalités des différentes plateformes de digital learning, les formations en distanciel ne peuvent garantir le même niveau d’interactions avec les intervenants et entre les participants, les échanges entre participants constituant un véritable levier pour l’apprentissage entre pairs (« peer to peer »). Les échanges formels mais aussi et surtout informels – durant les pauses, déjeuners ou à l’occasion encore d’activités afterwork – qu’autorisent les formations en présentiel apportent un autre bénéfice pour les cadres et dirigeants y participant, à savoir celui de développer leur réseau par la rencontre d’autres professionnels.

Est-ce à dire que le distanciel n’aurait pas sa place dans un parcours en présentiel ? Certainement non. La mise à disposition de ressources pédagogiques en ligne, intégrées et non pas juxtaposées dans une progression pédagogique, a tout son sens dès lors qu’il s’agit de se remettre à niveau sur des connaissances de base (par exemple la programmation dans le cadre de parcours consacrés à la data science) ou de développer des compétences techniques pour lesquelles l’auto-apprentissage suffit (droit, réglementation…).

La clé de réussite d’un parcours « hybridé » ne tient pas seulement à l’hybridation des modalités pédagogiques mais aussi à celle des enseignements.

… et pluridisciplinarité

Fini l’enseignement dispensé de manière descendante par un intervenant expert dans son seul domaine. Priorité désormais aux approches pluridisciplinaires qui seules peuvent permettre à des cadres et dirigeants d’appréhender la complexité des enjeux qu’ils doivent adresser au regard de leurs responsabilités : s’engager par exemple sur les objectifs de développement durable (ODD) implique de connaître les fondements scientifiques qui les sous-tendent et de ne pas considérer l’innovation et la technologie comme les seules réponses à la crise écologique. A ce titre, les sciences de gestion peuvent être porteuses de nouvelles approches et modèles, telles l’économie circulaire ou les modèles de production et de consommation prenant appui sur le concept de sobriété.

Loin de s’opposer aux sciences dites dures, les humanités constituent également un complément indispensable aux savoirs techniques et technologiques. En initiant à la complexité, ces disciplines (histoire, littérature, philosophie ou encore sociologie) préparent ceux qui y sont exposés à mieux appréhender un monde de plus en plus incertain, et à apporter des réponses au défi de la transition écologique et énergétique, aux enjeux de la transformation numérique ou encore à celui de la cohésion sociale et sur les territoires.

Privilégier une pédagogie centrée sur la théorie et la pratique doit être recherchée également pour mieux ancrer connaissances et compétences. S’il est utile de proposer à des cadres et dirigeants un enseignement scientifique (« state of art ») dispensé par des intervenants reconnus pour leur expertise dans leurs domaines de recherche, d’enseignement, il est tout aussi indispensable de les outiller pour les engager dans des démarches transformatives au sein de leur organisation.

Ainsi, exposer décideurs et dirigeants aux dernières avancées scientifiques ou technologiques (data science, modèles de gouvernance, …) et les confronter à des réalités opérationnelles au travers de use case et d’ateliers sont les deux leviers à actionner pour développer leurs compétences managériales pour la mise en œuvre opérationnelle de solutions innovantes au sein de leur organisation.

La guerre des talents et le phénomène de désengagement des collaborateurs sont une réalité – seuls 6 % des salariés français se déclaraient réellement engagés dans leurs missions selon l’étude State of the Global Workplace publié l’an dernier par Gallup. Il est fort à penser que les perspectives d’allongement de la durée de cotisation et de report de l’âge légal de départ à la retraite ne viennent inverser cette tendance. Dans ce contexte de tensions sociales, la formation peut contribuer à la production d’un récit collectif autour duquel se retrouvent entreprises et collaborateurs, en soulignant les bénéfices à en attendre de part et d’autre, préservation de la compétitivité pour l’entreprise, confiance en leur avenir professionnel et épanouissement par le développement de leurs compétences pour les cadres et dirigeants.

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