La France a été, le 6 décembre 2023, le premier pays de l’Union européenne à transposer dans son droit national la nouvelle directive européenne (Corporate Sustainability Reporting Directive, ou CSRD) sur la divulgation par les entreprises d’informations en matière d’impact environnemental, social et de gouvernance (ESG) dans des rapports annuels qu’il convient désormais de nommer « rapports de durabilité ».

La mise en œuvre de la CSRD, qui entre en vigueur progressivement depuis le 1er janvier, soulève cependant des craintes, en particulier du côté des petites et moyennes entreprises, incitant le Sénat français à lancer une mission au titre significatif (« Directive CSRD : la complexité de trop pour les PME ? »). Même si seules les PME cotées sont directement concernées par la CSRD, toutes les entreprises le sont de fait, en tant qu’actrices des chaînes de valeur. C’est pourquoi, la CSRD encourage la publication de rapports de durabilité de manière volontaire.

Indubitablement, la mise en œuvre de la CSRD nécessite un investissement humain et financier. Elle implique une adaptation de l’organisation de l’entreprise, en travaillant davantage en mode projet, en optimisant les processus de collecte d’informations et en formant les salariés. Les craintes des dirigeants de PME sont légitimes, non pas sur l’intérêt même de la CSRD, véritable opportunité pour toutes les entreprises quelle que soit leur taille, mais sur les modalités permettant de bénéficier de cette opportunité.

Une réflexion stratégique de fond

Car c’est avant tout à l’entreprise que bénéficient la CSRD et la publication d’un rapport de durabilité. En effet, l’exercice de transparence qu’implique la divulgation de façon normée d’informations sociales, environnementales et de gouvernance incite les acteurs de l’entreprise à mener une réflexion stratégique de fond au service de leur pérennité.

La CSRD apporte une méthode pour évaluer l’impact des activités en se référant à des données scientifiques. Elle permet de mieux prévenir et maîtriser les risques et d’être en adéquation avec les attentes des parties prenantes. Elle offre même un levier d’innovation et d’identification de nouveaux marchés. Le rapport de durabilité est un outil de pilotage, une nouvelle clé de lecture de la performance globale, celle sur laquelle les entreprises sont désormais jugées et légitimées par la société.

Par ailleurs, la demande croissante d’informations ESG par les marchés financiers prouve que la durabilité est source de confiance, et donc de valeur financière. Les investisseurs, les banques, les assureurs sont rassurés par une gestion d’entreprise en quête permanente d’un juste équilibre entre maîtrise des risques et rentabilité. La CSRD s’inscrit dans le cadre plus large de la finance durable, outil privilégié par l’Europe pour financer son Pacte vert dont l’ambition première est d’atteindre la neutralité carbone à l’horizon 2050.

Le rapport de durabilité a pour objectif ultime de fournir aux parties prenantes (investisseurs, actionnaires, ONG, partenaires sociaux, salariés, clients, donneurs d’ordre, etc.) des informations fiables et comparables, leur permettant de prendre des décisions éclairées en faveur d’entreprises responsables, afin d’orienter les flux financiers vers une économie européenne plus durable.

Des labels réducteurs

Pour qu’il en soit ainsi, il convient que les rapports de durabilité soient utilisés par toutes les parties prenantes à cette fin. C’est un défi, car force est de constater qu’à l’heure actuelle les principaux utilisateurs d’informations ESG sont les fonds d’investissement, souvent par le biais de plates-formes de notation (ISS ESG, MSCI ESG, Sustainalytics, etc.) dont le manque de transparence et d’uniformité révèle toutes les limites.

De leur côté, pour éclairer leurs décisions, les donneurs d’ordre privés comme publics déploient leurs propres questionnaires ESG et utilisent des labels comme outils privilégiés de leur politique d’achats responsables. Ce sont encore aux entreprises qu’incombe la tâche de répondre à ces demandes d’informations multiples et disparates.

Pour que le rapport de durabilité ne soit pas vécu comme un nouvel exercice de conformité fastidieux, chronophage et onéreux, qui ne servirait finalement pas à grand-chose, les efforts ne seraient-ils pas désormais à faire du côté de ses utilisateurs ? Il est impératif que ces derniers apprennent à utiliser le rapport de durabilité, qu’ils développent leurs outils d’analyse plutôt que de s’en remettre à des scores ESG et à des labels forcément réducteurs.

Le rapport de durabilité est en quelque sorte la « convention sociale » que l’entreprise passe avec la société. Il convient de lui donner toute sa valeur en le définissant comme l’outil de mise en œuvre de la loi Pacte (Plan d’action pour la croissance et la transformation des entreprises) de 2019, dont l’article 1833 modifié oblige les entreprises à « prendre en considération les enjeux sociaux et environnementaux de leurs activités », et en rendant son utilisation obligatoire par toutes les parties prenantes soucieuses d’éclairer leurs décisions en faveur d’entreprises engagées.

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