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Accueil » Paroles d'experts » Valérie Guillard – La sobriété d’accord, mais pour qui ? pour quoi ? comment ?
Une majorité est d'accord : face aux enjeux climatiques et écologiques, et aux pénuries d'énergie qui menacent, il faut développer la sobriété. Pourtant, dans les faits, les pratiques sobres s'imposent encore très peu. Qu'est-ce qui empêche ce mouvement ? Qu'est-ce que la sobriété, au-delà des mots ? Et d'ailleurs pourquoi les organisations et les consommateurs seraient-ils sobres ? Autant de questions auxquelles Valérie Guillard, professeur de marketing de la sobriété à l'Université Paris-Dauphine - PSL, apportent des réponses dans le numéro de janvier de la Gazette de la société et des techniques, publication des Annales des Mines avec le concours du Conseil général de l’Économie et de l’École de Paris du management.
« Tempérance dans le boire et le manger », telle est la première définition que le dictionnaire du Centre national de ressources textuelles et lexicales donne de la sobriété, « modération, mesure, discrétion » étant la deuxième. Dans son ouvrage De la sobriété – Conseils pour vivre longtemps, le Vénitien libertin et noceur Luigi Cornaro distille, en 1558, un ensemble de pratiques comme la réduction de l’alimentation carnée, ou encore celle des quantités mangées. Il ne conseille pas de ne plus boire ou de ne plus manger de la nourriture riche, mais de faire moins. Pour la petite histoire, il a fini quasi centenaire…
La sobriété a longtemps qualifié une posture, une façon d’être, dans l’art par exemple, ou encore dans la politique ou la religion. On lit encore dans la presse « une exposition d’une grande sobriété ».
L’énergie a été l’un des premiers secteurs pour lequel le mot a été mobilisé comme enjeu collectif. Fondée en 2001, l’association négaWatt l’emploie pour désigner une stratégie de réduction de la consommation d’énergie dans le cadre de la transition écologique. Ce mot sera davantage utilisé dans la presse après la signature de l’Accord de Paris en 2015 pour qualifier une modération de la production et de la consommation.
Depuis le discours du président de la République du 14 juillet 2022 s’est produit un glissement sémantique, le mot désignant une justification pour gérer la crise énergétique liée à la guerre en Ukraine. Il s’agit maintenant de modérer l’usage de l’énergie en raison d’une crise et l’objectif initial, protéger le vivant, est mis de côté dans les discours… temporairement, on l’espère. Cette sobriété est contrainte (on doit désormais chauffer à 19 degrés Celsius nos maisons), alors qu’adopter un mode de vie sobre évoquait une façon de repenser sa façon de vivre et de lui trouver du sens.
Finalement, quelle définition retenir de la sobriété ? C’est un mode de vie, une façon d’être qui repose sur la modération de la production et de la consommation de biens et de services afin de limiter les conséquences négatives des activités humaines sur le vivant. Il ne s’agit pas tant de ne plus faire, par exemple ne plus partir en vacances, que de faire différemment – partir en vacances en Europe en train, par exemple. La sobriété est transversale à un ensemble de secteurs, que ce soit les bâtiments (les isoler pour utiliser moins d’énergie, mais aussi adapter le nombre de mètres carrés au nombre d’habitants) ; les terri toires (prévoir des pistes cyclables ou installer des panneaux solaires pour chauffer des bâtiments publics) ; l’alimentation, ce qui nécessite de repenser les modèles agricoles ; la mobi lité (privilégier celle dite douce plutôt que les véhicules motorisés) ; le numérique en adoptant des écogestes, le plus important étant de limiter le renouvellement des appareils électroniques, ou encore de diminuer la consommation de biens et de services.
Du 6 mars au 3 juillet 2025
Terre, environnement & développement durable
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